Un revenant
Je suis en Bretagne depuis samedi, chez ma grand-mère. Je lui rends souvent visite pendant les grandes vacances. Nous ne sommes souvent que toutes les deux et nous parlons beaucoup. Ces longues conversations ont commencé alors que je savais à peine parler. Nous nous en sommes dit des choses ! Après Justine, c’est envers elle que j’ai le moins de secrets. Je lui cache juste les trucs un peu chauds. Le soir, après le dîner, elle se couche et je bouquine, ou je regarde la télévision. Le matin, nous sortons faire quelques courses, de préférence au marché. L’après-midi, je passe quelques heures à la plage, le plus souvent seule.
Ça a failli être le cas hier où, allongée sur une serviette et ne portant que le bas de mon bikini, j'étais plongée dans la lecture du dernier roman de l'écrivain japonais Murakami. Mais une ombre apparut sur la page que je venais d’entamer. Je levai la tête, clignai des yeux à causes du soleil et reconnu l’homme debout à côté de moi. Je n’avais pas vu Pierre, l’ancien voisin de ma grand-mère jusqu’à son divorce, depuis trois ans. Sa fille, Léa, qui doit avoir une quinzaine d'années, se tenait à ses côtés. Je m’empressai de revêtir mon haut de bikini et nous nous nous nous sommes faits la bise. Nous avons échangé quelques nouvelles puis nous avons décidé d’aller nous baigner. Nous chahutions dans l’eau, Léa et moi nous acharnant à le renverser. Un peu plus tard, elle repéra sa bande d’amis et s’empressa de la rejoindre. Nous avons continué à nous éclabousser, à nous pousser ; sans l’aide de Léa, j'étais davantage en situation de faiblesse. Je poussai quelques cris lorsque sa force me faisait perdre l’équilibre. Pour le renverser à mon tour, je plongeai pour m’emparer d’une de ses chevilles. Même s’il n’est pas très bel homme (une vie trop sédentaire avec comme résultat un léger embonpoint, mais à un peu plus de 50 ans, ce n’est pas si mal), je ne détestais pas sentir son corps contre le mien. Nous sommes sortis de l’eau, avons enjambé de nombreux autres corps - à croire que la population de la planète avait décidé de séjourner dans la petite station balnéaire – et nous nous nous sommes allongés sur nos serviettes.